Souvent abordée, rarement définie, la légitime défense est l’une des dispositions légales les plus importantes à connaître quand on aborde les thèmes de défense et de protection personnelle. Comment est-elle définie ? Quand est-elle avérée ? S’applique-t-elle en cas de blessure et/ou de décès ? Est-elle reconnue au même titre partout ? Autant d’interrogations qui obscurcissent notre jugement et nous font douter de nos réactions ou de notre capacité à répondre à un acte violent commis à notre encontre. Notre but est donc aujourd’hui de définir les contours de la loi, afin d’en saisir le sens et de pouvoir adapter nos réactions aux situations qui se présentent à nous.
1) Oubliez les films d’action américains et vos séries préférées
En ces temps d’américanisation à outrance du contenu télévisuel, il importe de faire un point sur les différences majeures entre le droit américain et le droit français :
- Un droit jurisprudentiel VS un droit écrit : le droit américain diffère largement du droit français. Si nos juges s’appuient sur les lois en vigueur, votées par nos parlementaires (et inscrites dans des codes) pour rendre leurs jugements, les juges américains suivent la logique d’un droit coutumier, ou jurisprudentiel. Cela signifie, que ce sont les jugements qui font force de loi. On s’appuie sur les différentes décisions prises en amont pour les adapter à chaque cas particulier. Cela laisse évidemment une grande place à l’interprétation personnelle. En France, les jurisprudences (nouvelles décisions qui interprètent une loi de manière originale) requièrent des circonstances exceptionnelles comme un vide juridique par exemple (l’absence de prévision d’un cas particulier).
- Des principes sociétaux qui diffèrent : la société américaine de par sa nature et ses fondements possède une vision différente de la violence que celle développée en Europe. La notion de propriété étant au cœur de la constitution, il est acceptable de faire usage de la force pour défendre ses biens. En clair, un propriétaire peut abattre un cambrioleur et s’en sortir totalement blanchi, même si ce dernier n’était pas armé. La loi française, comme vous allez le voir, est bien moins tolérante et requiert des conditions particulières pour justifier de tels actes. De plus, le port d’arme est autorisé aux États-Unis, quand ce dernier est strictement réglementé en France.
2) Les conditions requises pour justifier la détermination de la légitime défense
Pour qu’une riposte à un acte violent soit considérée comme un acte de légitime défense, cette dernière doit répondre à 4 critères principaux. Si l’un d’entre eux n’est pas respecté, son auteur risque des poursuites pénales, même s’il était à l’origine, la victime de l’agression.
- Le critère d’imprévisibilité : le droit français vous autorise à vous défendre et à porter des attaques physiques, même si ces dernières provoquent le décès de votre agresseur, à condition que l’agression dont vous êtes victime ait lieu de manière imprévue. C’est l’effet de surprise et la peur qu’il entraîne qui sont à la source de votre réaction. L’imprévisibilité est aussi définie par l’impossibilité de faire appel aux forces de l’ordre pour mettre un terme à l’attaque. Dans la démonstration de l’imprévisibilité, les témoignages et le lieu de l’agression s’avéreront décisifs.
- Le critère de nécessité : pour qu’un acte violent puisse entrer dans la définition de la légitime défense, le recours à la violence doit bien évidemment être la seule solution envisageable pour protéger votre vie. La fuite doit ainsi être rendue impossible par le contexte, justifiant votre geste par son aspect décisif quant à la protection de votre intégrité physique.
- Le critère de proportionnalité : C’est sans doute l’aspect le plus important de cette disposition légale. Votre réponse à l’agression doit être matérialisée par un acte impliquant une réciprocité dans le caractère de sa gravité. Il n’est pas concevable d’utiliser une arme blanche ou une arme à feu (sans même prendre en compte l’interdiction de port d’arme) lors d’une attaque à mains nues. Si la loi ne semble pas prendre en compte l’aspect psychologique de l’agression, dans le sens ou la peur peut pousser à se défendre par tous les moyens, elle évite aussi de cette manière les dissimulations d’actes gratuits. Quoi qu’il en soit, vous devrez être capable de prouver que votre agresseur avait une arme, si vous avez vous-même fait usage d’un objet considéré comme tel pour provoquer une blessure mortelle. Dans le cas ou l’agresseur et la victime ont tous deux fait usage d’une arme, ces dernières seront comparées entre elles pour évaluer le critère de proportionnalité.
- La délimitation temporelle et factuelle du cadre de l’agression : votre usage de la violence doit se limiter à une réaction face à l’agression en tant que telle. Il n’est pas concevable de continuer à frapper votre agresseur une fois cette dernière terminée (s’il est à terre, dans une mare de sang par exemple), ou de répondre par la violence à des insultes ou provocations. Cela relèverait alors de la vengeance et cette dernière peut entraîner des poursuites pénales.
La légitime défense existe donc en France, mais elle sera bien entendu vérifiée par les forces de l’ordre avant d’être établie devant un juge. Cette dernière doit impérativement répondre aux critères énoncés ci-dessus, sans quoi vous risquez tout autant que votre agresseur, d’être condamné pour usage abusif de la violence.
Il est conseillé, en vue de montrer votre bonne foi, de porter plainte au plus vite après l’agression et de partager votre version des faits afin qu’elle puisse être vérifiée et les témoins retrouvés. Alors non, vous n’avez pas à vous faire poignarder avant de réagir ! Mais une fois encore, si la violence peut être évitée, c’est bien là votre meilleure option.